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Mon histoire

Maman, j’ai mal au ventre, viens me chercher !!!

Cette phrase … qui résonne dans ma tête…

 je me dis à ce moment-là que le chemin va être long…

24 août 2020, j’amène Emma ( 13 ans) et Loan (10 ans) pour leur rentrée scolaire, tout le monde paraît bien tout en étant conscient que c’est un 1er jour d’école. Il est 8h15 et je pars travailler avec un grand sourire… Vous savez, celui ou vous vous dites : « Ahhhhhhhhh enfin je suis libre quelques heures !  » (Allez… on l’a déjà tous et toutes pensé un jour)

9h30 : premier coup de téléphone d’Emma

  • Maman j’ai mal au ventre, viens me chercher
  • Emma, je ne peux pas venir te chercher, tu te reprends et tu retournes en classe.

11h30 : un deuxième coup de téléphone

  • Maman je rentre !

Ma première réaction a été de la gronder. Arrivée à la maison, j’ai dû gérer différemment le premier jour d’école de mes deux enfants : Être joyeuse pour Loan et essayer de pas laisser mes émotions négatives prendre le dessus, mais aussi discuter avec Emma pour qu’elle y retourne au plus vite. Elle nous avait déjà fait un épisode de deux semaines de panique pour aller à l’école en mars 2020 après le COVID, qu’on pensait avoir réglé !!!

(Emma est une enfant très sensible depuis petite… adorable mais elle a peur de tout, et a de l’hyperacousie. Certes, elle le gère de mieux en mieux, mais elle s’est longtemps cachée derrière ses oreilles… et moi aussi !  Elle a souvent dû manipuler un peu son monde pour s’en sortir émotionnellement, car laisser sortir ses émotions était compliqué pour elle.)

Deuxième jour, très difficile, car Loan est là, et je dois être normale pour lui.  Je discute et rigole pour la motiver. Mais rien n’y fait, elle est complètement paniquée. Je dépose d’abord Loan.

Elle est en panique, mais je lui avais dit que nous irions discuter vers l’infirmière scolaire. Nous avons eu la chance de voir les psychologues scolaires et faire une demande de PLS pour Emma. Je savais au fond de moi que je commençais un périple très compliqué… je ne sais pas si vous le sentez aussi au fond de vos tripes, ce moment où vous réalisez que ça ne dépendra pas que de vous. J’aurais beau tout faire comme il se doit, être la meilleure maman du monde, je le sens… je dirai même plus… je le sais !  Je ne pourrai pas faire à sa place. Quelle tristesse au fond de moi, mon ventre se tord, mon cœur est serré et ma gorge nouée, voilà que la chose la plus évidente … se rendre à l’école ! devient la plus compliquée pour votre enfant. J’ai entrepris une croisade remplie de téléphones, d’entretiens, de justificatifs, de crises, de larmes. J’ai rencontré des personnes incroyables tout au long des mois et de notre parcours.

On m’a dit une phrase dans ce moment très compliqué :

« Derrière les nuages, il y a toujours le soleil »

Cette phrase a résonné en moi tous les jours…  Je m’y suis accrochée.

Pendant des semaines je l’ai amenée à l’école et ramenée à la maison… avec des moments conflictuels, de détresse, tous très inconfortables pour elle et moi. Même plus encore, mon fils en souffrait et mon couple également, car il y avait des avis différents, des méthodes différentes, mais je vais y venir…

Comment faire ? Est-ce juste ? Punir ou pas punir ?  Surtout, lui faire comprendre qu’il y a des conséquences à chaque acte dans nos vies et qu’il faut les assumer. Cette règle dans la vie, elle commence déjà tout petit. Il fallait la faire réagir ! L’école lui proposait d’adapter les horaires qu’elle avait envie, de choisir les cours qu’elle souhaitait suivre, mais rien y fait, Emma souhaite faire l’école à la maison et ne voit pas pourquoi elle ne pourra pas le faire puisque que tout était réalisable lors du confinement. Pour moi, l’école à la maison, c’est l’enfermer encore plus dans ses peurs et la couper du monde. Et la vie ne s’adaptera pas à elle… c’est à elle d’apprendre à s’adapter. Ça sera une force pour elle tout au long de sa vie.

Je travaille tous les matins dans l’entreprise de mon mari et je peux donc privilégier des horaires souples pour être là au départ et retour de l’école. C’est une chance incroyable, ou pas… Mais au fil des jours j’arrive de plus en plus tard au travail et je suis surtout très préoccupée, car ma fille est à la maison toute la journée, et ce pendant des semaines… à ne rien faire.

Après avoir discuté avec mon mari qui est son beau-papa, nous avons pris la décision de lui couper les jeux vidéo, car oui elle y passe du temps, ce monde virtuel qui lui convient plutôt bien ! Nous lui confisquons aussi son portable, en lui expliquant que si elle ne veut pas sortir, elle n’a finalement pas besoin d’un portable… faisons-nous juste de la couper encore plus du monde extérieur ? Nous le faisons surtout pour créer une réaction de sa part. Mais plusieurs semaines passent et rien n’y fait, pour mon plus grand désespoir. L’école a aussi pris la décision de ne plus lui donner de cours. Ils veulent qu’elle s’ennuie. Créer un choc ou une réaction. Pour moi ce moment est juste horrible, on se sent si seule et impuissante. Et si Emma ne réagit pas ?

A la maison, Emma s’occupait, en faisant les tâches ménagères et de la cuisine tous les jours, elle se levait tous les matins avec une liste de chose à faire, car il est hors de question qu’elle ne fasse rien de ses journées.

L’ambiance était électrique de partout et j’en souffrais terriblement. J’avais l’impression que tout le travail effectué pour que tout se passe au mieux dans ma famille était complètement saboté. Un seul mot à table pouvait me rendre si petite, que j’aurais préféré disparaître…

Un éducateur vient nous voir à la maison, cette rencontre a été bénéfique pour Emma, elle a tout de suite accroché et demande de le voir le lendemain à l’école. Emma a envie de s’en sortir et surtout souhaite travailler et reprendre un rythme, c’était réellement inespéré.

Le chemin est encore pavé d’embûches, ils mettent en place un plan de réintégration, c’est très long !

Tout se déroule plutôt bien, mais Emma reste très fragile, la moindre contradiction peut la faire revenir sur ses pas.

Ma fille est suivie par la psychologue 1 fois par semaine ça ne l’enchante pas, mais c’est important de commencer quelque chose. Elle a suivi aussi un travail sur les émotions, travail de fond, car souvent nous retrouvons les mêmes problèmes avec les enfants sensibles. Les émotions vécues sont tellement intenses qu’ils ne veulent pas les traverser, par peur ! La peur, une émotion importante, mais si on l’évite, on lui donne de la force et elle nous contrôle.

Puis parallèlement à cela, c’est à moi de me faire aider, après des mois ou je cherche à comprendre pourquoi… suis-je trop dure, trop cool, trop présente, pas assez ceci… pas assez cela… Pourquoi tout ce que je mets en place pour l’aider ne fonctionne pas ? Et enfin, cette culpabilité lancinante qui nous ronge tous un jour ou l’autre… Après avoir vécu des moments difficiles avec mon mari, avec des incompréhensions des deux côtés… la femme et l’homme, leurs visions du monde si différentes mais pourtant si complémentaires. En se donnant les moyens de prendre du recul et d’essayer de comprendre ce que l’autre ressent… Pas toujours évident quand la vision du monde est différente.

Des moments où j’avais le sentiment de décevoir mon fils, d’avoir l’impression de ne rien lui laisser passer sous peur qu’il reproduise la même chose que sa sœur. Je lui dis merci d’être lui.

Je commence une thérapie chez ma kiné, quel bien d’être comprise et de se faire aider. Sans jugement et sans peur… Les semaines passent… Emma se bat et se reconstruit, moi je lâche ! Je me détache complètement de la situation et je vais même plus loin, j’avertis Emma que je serai là pour elle pour ses besoins usuels que je l’aime mais que là, je laisse ma place pour le côté école à son beau-père. Bien évidemment, j’ai discuté avec mon mari et lui ai demandé de reprendre le flambeau car moi je n’y arrivais plus ! Je n’abandonne pas ! Mais je vais prendre soin de moi.

« Je ne l’abandonne pas… » petite phrase que je me répète en boucle…

Vous n’allez peut-être pas me croire, mais le fait qu’il reprenne les reines avec d’autres façons de faire, qu’Emma prenne autrement conscience des choses et que moi je prenne un peu de distance, le fait que tous ces nouveaux paramètres se mettent en place, Emma a changé petit à petit, et s’est prise en main, elle a commencé à travailler dur, dort, se lève, se prépare et retourne à l’école tous les jours, s’est mise au sport et s’ouvre gentiment à la vie… Le passage de l’enfance à l’adolescence est tellement compliqué pour eux et pour nous.  Et moi je me rends compte aujourd’hui en connaissance de cause que j’ai fait mon 180°.

Comment font les parents qui n’ont pas les ressources ? L’envie d’aider ces parents démunis et de pouvoir guider naît doucement dans mon esprit. Je fais des recherches et je découvre le centre Sésame, à la minute ou j’ai pris connaissance de leur travail, j’ai compris que j’étais sur le bon chemin, j’ai donc entrepris une formation de thérapeute en thérapie brève selon la méthode de Palo Alto avec le centre Sésame, Alessandro Elia et le Chagrin scolaire d’Emmanuelle Piquet. Ce fut une aventure enrichissante et magique.

Je me suis sentie tellement seule et impuissante, lorsque je me suis aperçue que tout ce que je mettais en place pour aider ma fille ne fonctionnait pas. La décision de faire l’inverse de tout ce que je faisais pour l’aider depuis toutes ces années a été la plus belle décision que j’ai prise pour Emma et moi.

Il est important de parler un peu de nous pour transmettre les émotions que nous traversons, le chemin est long et sinueux, mais aujourd’hui, j’aimerais vous montrer le soleil caché derrière ces gros nuages. Et vous montrer qu’on peut aller un peu plus vite si on prend les bons chemins, mais aussi vous rendre attentifs que tout ce qui nous parait cohérent et légitime n’est souvent pas la bonne route. Car nous sommes tous différents devant chaque problème, et nous avons tous le même sentiment face à nos enfants, l’amour.

Parfois le simple fait de parler, d’être écouté, permet de trouver les outils nécessaires afin de retrouver son chemin.

Merci à ma fille, mon fils et à mon mari qui font ce que je suis aujourd’hui…

                                                Maud